BORDEAUX
- PARIS JUIN
2008
Quelle
aventure ! Tout a
commencé par une proposition non
pas malsaine mais
insensée . « Tu fais le
Bordeaux-Paris en moins
de 35 heures ? me propose
donc un pensionnaire
du club .
Mais
non ! mais si !
mais non…
Me voilà
inscrit sur Bordeaux-Paris en
moins de 35
heures pour le
21 juin 2008.
L’entrainement en
groupe et spécifique
commence début avril
avec des étapes
de plus en
plus longues ( de
100 à 300 kms ) . Tout se
passe à peu
près bien jusqu’aux
300 kms où je
suis pris de
crampes vers les
200 kms . Je rentre
en « ambulance » avec Bernard
qui a eu la bonne
idée de nous
accompagner .
Coup de
déprime, et dans ma tête
je ne suis
plus apte à
faire cette randonnée .
Je poursuis
quand même l’entraînement , entouré et, encouragé
par tous les
participants ; je repars et
maintiens l’engagement .
J’aurai fait 2800 kms
en trois mois , c’est
modeste par rapport
à certains mais
conséquent pour ma « pomme »!
Le stress
augmente , entre ceux qui me conseillent
de « mouliner » et
d’autres qui constatent
que je « mouline trop » , je suis
perdu . Trois jours avant
le départ , j’absorbe toutes
les boissons miracles
qui m’ont été
fortement conseillées , je mange
des pates matin , midi
et soir afin
d’être PRET !! « THUR » c’est mon
vélo , est révisé , briqué ,
huilé , gonflé à bloc .
Jour « J » : ça commence
mal ! Le réveil ne
sonne pas , par chance
je me réveille
un ¼ d’heure
en retard , remue Francine , l’engueule par
habitude…rendez-vous à 4 h 30
avec le reste
de la troupe
via Artigues-près-Bordeaux.
SIX HEURES
pétantes : départ vers
l’inconnu . Il fait très
beau et jusqu’au
premier contrôle , tout se
passe bien , deux motos
nous accompagnent , Bernard et
Robert nous encouragent. A Libourne , Jean Louis s’est
joint à nous
pour quelques heures , Patrice qui
a participé aux
300 kms est également
présent …jusqu’à
quand ? Au contrôle : 28km/ h de moyenne : super ! Après
Chalais , commencent les choses
sérieuses , le profil évolue , devient plus
vallonné , la température grimpe
aussi , devient caniculaire et
vers les 200
kms , je ressens les
prémices de sensations
désagréables me
« titiller » la
cuisse droite , puis la
gauche et enfin
les deux . Le complet : Voici les
CRAMPETTES de sortie .
J’ai pourtant bu , mangé , avalé tout
ce qui est
anti-crampes…Mon calvaire va
commencer et sur
ces putains de
montagnes russes durer
une éternité
ONZE HEURES
. Les deux
motos nous ont
abandonné , Jean Louis
aussi . Le moral est au
plus bas, les copains
m’encouragent , m’attendent
au sommet des
bosses .
« Mouline » me dit
Alain , « pousse plus gros » m’ordonne Serge , « hausse la
selle »me conseille Silvano . Rien n’y
fait , si ce n’est
l’aide providentielle du
camion car THUR
n’avance plus dés
que ça monte . Pourtant je
lutte sur Thur
et Thur-lutte aussi
mais les crampes
ne me lâchent
pas …je marche au
moral ( qui faiblit malgré
tout ) Sans le camion
et ses chauffeurs , je n’aurai
jamais pu « recoller »
. C’est atroce , je songe
vraiment à abandonner
au prochain contrôle , c’est trop
dur et je
retarde le reste
de la troupe . Je songe
alors à ces
heures d’entraînement , à tous
ces efforts fournis , je
cherche une quelconque
motivation pour ne
pas en rester là . C’est
alors que Silvano
a son tour
devient « crampu » , je
ne suis plus
seul ! Nous rencontrons
deux ou trois
gars assis sur
l’herbe ou sur
le bitume de plus
en plus brulant
et le malheur
des autres me
procure ce fameux
coup de pouce
qui me sauvera . Je
suis nettement « mieux » qu’eux , donc ALLONS-Y !!! J’évite les
plaques de goudron
qui colle aux
roues , Patrice est toujours
là . Je ne
peux rien avaler
de solide , il fait
trop chaud et
le liquide me
pèse sur l’estomac.
Vers Lussac-les-chateaux ,
en plein
soleil , dans un faux
plat montant , sur la
gauche , j’ai largement le
temps d’admirer un
jardin extraordinaire avec
d’énormes boules rouges
et jaunes , de gros
pantins ou objets
bizarres dispersés un
peu partout mais
le temps presse : je ne
peux pas faire
de tourisme…Avançons !
DIX HUIT HEURES
Deuxième contrôle à
l’Isle Jourdain . Hélène et Bernard
s’occupent de tout , nous
bichonnent et c’est
très agréable de
trouver tout prêt , à
disposition et ceci à chaque
arrêt . Merci les
« Petits » Le plein
des bidons est
fait , le terrain doit , paraît-il , devenir plus
facile mais comme
la vitesse augmente
par la même
occasion , mes crampes ne
cèdent toujours pas…même
sur le plat
quand ça roule
trop vite ( pour moi ) .
Nous traversons un
très beau village ( Angle sur Anglin ) , au pied
d’un château fortifié
en ruine mais
toujours impressionnant que
j’aurai plaisir à
visiter…plus tard (car
à ce moment-là , je n’ai
qu’une priorité et
une seule idée
en tête : :
PEDALER et AVANCER .
VINGT HEURES
. Je commence à me demander
ce que je
fais là ! Au
prochain contrôle , une pose
de 90 min. est
au programme avec
un repas chaud , des « biscouettes »,
et l’éventualité de
pouvoir se « refaire » un
peu ! Cela devient intéressant
. Avant l’étape
de Martizay , je vois
Jany ralentir …tiens ,
m’attendrait-il pour me
ramener ? Je le
double ( ce qui ne
m’arrive pas souvent
et qui me
ravit )
J’apprends que
victime d’un « coup de
fringale » il demeurera « cuit-cuit » pour un
moment avant de
repartir plus fringant
que jamais . Entre temps , nous
avons ramassé un
collègue dans le
camion , pendant 2-3 heures ,
étranger au groupe
et aussi gaillard
qu’un toréador qui
vient de se
faire embrocher par
un toro et qui se
retrouve , hagard, le cul par
terre . Pas brillant le
type et moi
bien mieux que
lui…quel pied ! Comme quoi , tout
est relatif .
VINGT ET UNE HEURES .
Le contrôle de « Martizay le
bienvenu » approche .
Patrice est toujours
avec nous et
le restera jusqu’à
Paris , sans affaires de
rechange , sans ravitaillement ,
sans moyen de
retour …Pour ma part, je
demeure persuadé que
sorti pour acheter
du pain à
Libourne samedi matin
et trouvant portes
closes , il cherche toujours
une boulangerie ouverte .
Nous avons
parcouru 313 kms soit
la moitié du
parcours ! A Martizay , c’est
la mi-temps et
comme toujours repos
pour le joueur , détente pour
le spectateur avec
repas chaud en
prime .
La selle
commence à se
fondre dans les
fesses , les ischions sifflent
sérieusement , le sang coule , la
peau brûle . C’est l’apocalypse : que de
gens allongés , à terre . Plusieurs s’étirent , Stéphane semble
faire des postures
de yoga , Christiane se
masse , d’autres sommeillent au
sol . C’est grandiose .
Pour ma part , impossible de
pratiquer la moindre
technique , le mal est
trop profond . Je songe à me
refaire une beauté , je
frotte tout ce
que je peux
avant le repas . Pas
dément le repas , il
passe difficilement mais
devrait pourtant me
requinquer . Je fais appel
à sainte Hexaquine pour
enfin chasser mes crampes et
au frère Guronsan
pour rester éveillé . Christian est
toujours aussi frais ; mais après
avoir fait Paris-Brest-Paris…rien d’étonnant.
Avant de repartir , je
prends soin de
téléphoner à mon
épouse pour lui
donner de mes
nouvelles . Elle m’ordonne de
rentrer immédiatement à
la maison ! ...je passe
outre , bien entendu .
VINGT TROIS HEURES .
La nuit est
tombée , les lampes sont
installées sur nos
machines , tout fonctionne .
C’est parti pour cette phase
nocturne que je
trouve assez sympathique . Il y
a un beau
clair de lune , nous
y voyons suffisamment
et quelques fois
plus , grâce aux phares
du camion qui
nous suit . Il faut
quand même rester
vigilant , garder ses distances , se méfier
de la route
et des voisins . Je
me sens mieux
(ce qui
n’est pas difficile ) , je reste
dans les roues , je
n’emmerde plus les
copains .
J’apprécie la
fraicheur de la
nuit et vers
minuit , nous nous faisons
rattraper par deux
cyclos qui nous
passent à fond . Nous
aurions pu prendre
leurs roues…mais je
ne suis pas
seul à décider ! D’autres nous
doubleront bien après
et moins vite . Bravo
quand même .
DIMANCHE DEUX
HEURES . Nouveau contrôle . R.a.s. Romorantin pointe
son nez à 35 kms . L’allure est
régulière et la
moyenne correcte mais
la fatigue s’accumule , le sommeil
m’envahit alors Guronsan
est là , mon sauveur ! En passant
un rond-point , par manque de
vigilance , je prends trop
la corde , touche les
pavés et manque
de partir au sol
. Chanceux , je passe sans
dégâts , il est temps
d’arriver .
QUATRE HEURES .
ROMORANTIN roupille .
Restauration toujours assurée
par Hélène et
Bernard . Le sommeil
et une certaine
lassitude marquent les
visages mais un
peu à cause
de moi , du retard
pris pendant la
journée , nous ne dormirons
pas !!
Départ annoncé
à 5 h . Certains en
profitent pour s’allonger
n’importe où . De mon côté , vu
l’étendue des dégâts , et
même en voulant
rester très très
optimiste , je suis dans
la « gadoue » car les cervicales
sont grippées , le coude
gauche est tétanisé , les poignets
grincent , j’ai sommeil et
le cul me
pelle ! c’est affreux ,
inhumain .
Je n’ai
plus de crampes , oh
joie…de courte durée
car Bernard B.
me glisse à
l’oreille : « il doit rester
10 h avant l’arrivée , au mieux » . Le moral
retombe dans les
socquettes , imaginer de poser
encore 10 h le
cul sur la
selle ,et de devoir
rouler 250 bornes me
déstabilise…alors
j’extrapole et je
me vois devant
la télé , regardant un
match de n’importe
quoi , une bièrotte à
la main ( quel
pied !) Trêve de
rêverie , le doute me
ronge et sincèrement , je ne
suis plus certain
ni persuadé d’y
arriver .
CINQ HEURES .
Qu’importe . Il pleut
et un fois
grimpé sur Thur , je
suis presque mieux
sur mon vélo
que debout…eh bien « roulez bolides » . La
pluie s’intensifie , le lever
du jour est
splendide : éclairs
sous l’orage à
gauche , ciel couleur feu en face
et dans la
tourmente Thur lutte
vaillamment . Charly m’encourage : « tu pourras
ajouter
Bordeaux-Paris à
ton palmarès , plus question
d’arrêter » , comme il a
raison .
HUIT HEURES .
Nous souhaitons prendre
un café , et sous
l’orage , nous trouvons un
bistrot ouvert et
ma foi , plutôt avenant . C’était sans
compter sur le
patron qui derrière
son comptoir , semblait aussi
heureux qu’un marchand
de parapluies quand
il fait tempête
de ciel bleu ! La gueule
à tartes du
jour , une vraie caricature , le type !
Nous repartons
sous une pluie
battante , le moral est
lui, au beau fixe , il
fait grand jour , la
vie est belle
et en respirant
à pleins poumons , on
doit sentir
« l’écurie ».
En roulant , presque en
chantant sous la
pluie , je subis un
harcèlement quasi permanent
de la part
de Serge et
Silvano ! Explication des
images : j’ai une
fâcheuse tendance à
laisser une toute
petite distance entre
moi et celui
qui me précède , tout ça
avec une certaine
courtoisie et de
la discrétion envers
ceux qui sont
devant .. Cette manie leur
déplait souverainement et je commence
à me faire « souffler dans
les bronches » avec beaucoup
d’autorité : « mais serre
bordel ! », « colle
à la roue ! »,
« abrite-toi ! », « ne
prends pas le
vent ! », « fais
l’effort ! »…et
j’en passe . Des efforts , je ne fais
que ça et
ma réponse qui
est toujours la
même : « qu’ILS
roulent moins vite !! » ne les
satisfait pas . Devant ma
résistance et ma
nonchalance , écoeurés , ils
vont se placer
en tête et
m’abandonnent à mon
triste sort . Vraiment , si le
groupe avait possédé un
délégué syndical en
son sein , un vrai
C.G.Tiste , je serais allé
jusqu’aux Prud’hommes pour
harcèlement moral dans
le seul but
de décourager un « collègue » dans la
peine .
ONZE HEURES
TRENTE . Dernier contrôle
sous le soleil
revenu et en
musique car une
jeune fille nous
accueille au piano . C’est
plutôt sympa et
bien ressenti .
Soixante kms
et trois bosses
au programme ! Une « broutille »,je n’ai
plus peur de
rien . Œufs durs préparés
par Hélène , patates au
sel, de la compote…c’est
royal .
J’enfile ma
« tenue club », ce qui est
la moindre des
choses car si
la Presse est
présente , il faut être
propre sur soi !
Nouveau paysage , de grandes
lignes droites et
plates sont inscrites
au menu jusqu’à
Paris…eh bien Non . Plus
vicieux que les
organisateurs , tu
meurs ! Ils n’ont
pu s’empêcher de
nous glisser trois
bosses , des vraies avant
l’arrivée . La dernière , « la côte
de l’escargot » , je l’ai
passée comme une
limace ! La fatigue , le
manque d’attention et
de sommeil nous
fragilisent . Christiane est victime
d’un « coup de
blues » à 20 kms
du but mais
plus volontaire qu’elle ,ça
n’existe pas…elle terminera
à fond . Au
bas d’une descente , un
feu rouge . Je ralentie
et sens brutalement
mon vélo chahuté
à l’arrière . J’accélère par
réflexe et me
retourne pour voir
l’ami Dédé sur
le bitume , hanche et
coude gauches entamés , cocotte brisée .Il
terminera seul en
tête…comme trop souvent
lors du périple . Même Silvano
n’a pas réussi
à le calmer .
A quelques minutes
de l’arrivée , si nous avions
suivi Charly « le fougueux », c’est sur
le circuit de
Montlhéry que nous
aurions franchi la
banderole . En utilisant le
peu de lucidité
restante , le groupe fait
demi-tour , récupère les fameuses
et indispensables flèches « B.R.P. »qui nous
ont guidés avec
précision . Charly nous rattrapera.
QUINZE HEURES
QUINZE . C’est gagné !!! Epuisé , fracassé pour
ma part , 33 h après , nous
avons parcouru 625 kms
en 27 h 33 min. de selle , à
une moyenne de 23 ,47 km/h
et sans une
seule
crevaison… « SOMBRERO !!! »
CONCLUSION =
A chaud , je suis
partagé entre la « connerie »de faire
ce genre d’exploit (trop de
souffrances , d’efforts ) et
la fierté de
m’être surpassé . En un mot
, très personnel : « je suis
heureux d’en avoir
chié ! »
Deux jours
après , j’ai encore du mal à
marcher , j’ai tout juste
récupéré mon poids
et j’ai toujours
l’impression d’être encore
sur la selle.
THUR est abandonné
jusqu’à ….
Sincèrement , je félicite
chaleureusement les Organisateurs
de ce B.R.P.
2008 , je remercie Michel
le propriétaire du
camion multi-fonctions , les accompagnants
et tous les
amis qui m’ont
encouragé , soutenu et attendu
pour en ….FINIR .
Même si
je garde un
fameux souvenir de
cette expérience , c’est vraiment
le genre de
plaisanterie que je
ne renouvellerai pas !!!
BRAVO A
TOUS ET MERCI
(Gilles Rames)