Maquis Paul Clé : quelques éclairages
indicatifs
Remarques préliminaires
: 1° Attention aux clichés sur
l’Aveyron ; pas monolithique !
2° AS ; peu de FTP Ici ! 3° Histoire de la Résistance est une
histoire sociale complexe (intergénérationnelle, pluri-sociale, pluri-
confessionnelle, internationale) dont l’aboutissement tardif est la lutte
armée. 4° Minorité mais agissante.
-
Maquis
mobilisateur (A.S) pour le sud-Aveyron, lors du débarquement dès le 7 juin
44.
-
Eponyme
P. Clé. De son vrai nom, « Paul Albert OLIVIER », né à Paris, études
au lycée Foch de Rodez. Dès 40, s’engage dans les FFL à Londres. Parachuté, arrêté
et emprisonné à Toulouse. Il gagne ensuite l’Espagne et enfin l’Angleterre. Fin 43, nouveau
parachutage et vient en l’Aveyron. Equipe de 2 : Cadenas et CLE. Leur
mission ? Instruction militaire et établissement de liaisons avec Londres ou
Alger. Mais en mars/avril44, Cadenas, en danger, quitte l’Aveyron pour le
Vercors. Clé lui reste. Il est arrêté
avec Freychet, le 3 mai à Rodez et se suicide dans les locaux de la
gestapo.
-
Personnage :
né en 1893, officier14-18 et polytechnicien, convictions (cache des armes dès 1940 dans des
laiteries). Son engagement résistant dès fin 40, au mouvement Liberté, implanté
à Montpellier (fac. de Droit. Contacts avec R. Courtin et Teitgen). Incontournable
car liens précoces avec Merle, Graulhe, en fév. 41. En 42, création de Combat à
Millau, St-Affrique, Espalion, Villefranche de R. Enfin mars- avril 43, accueil
des réfractaires /STO (création de l’auberge de jeunesse de Tendigues sous
Roquefort). Dispositif avec Le
Monna et Ramondenc.
-
Ses
nouvelles responsabilités en Aveyron en tant qu’organisateur de l’AS, il les
résume ainsi : « L’année 42-43
fut une année de coordination et de mise en place, de recrutement,
d’encadrement, de répartition des missions, d’études d’objectifs, de
constitution de stocks, d’établissement de liaisons, pas d’action en dehors des
coups de main destinés à procurer à l’AS et à ses équipes d’Action immédiate
quelques armes et explosifs. »
-
Agriculteurs et
fermes du secteur de Montagnol, Tauriac, Mélagues, Montlaur Cornus, Latour, Peux et Couffouleux, Arnac,
Rebourguil, St-Félix, Durenque, Bellouguet à Auriac-Lagast, Mounès – Prouhencoux, Labastide-P, Sylvanès
et Gissac où fut accueilli V. Auriol jusqu’en oct. 43 sous le pseudonyme Morel).
-
Patriotes
et républicains : Bonnafé, Thomassy, Michaut à Camarès ; Gasc à
Belmont, Devic ou Léon Jeannes, P. Decup, le docteur Caussat à St-Affrique, Instituteurs ; des
fonctionnaires, des agents des PTT, des
Ingénieurs ruraux : A. Jest (alsacien replié à Millau puis Naucelle),
-
Prêtres ruraux
: Bertrand à Tauriac ou Maillé à Montagnol,
-
Gendarmes
(Marty de Camarès, Fabre de St-Affrique, Ballus à Fondamente, At de St-Rome de
T.) ; Militaires : de Montalembert, Canarelli, ou encore de
Genouillac, Dufour et Teyssier
-
Femmes :
Melle Salvignol, melle Barascud, mmes Terrole et Palophy, Brigitte Michaut
-
L’engagement
hors du commun du sous - préfet Laborde (avril 43) qui a des rapports avec les
chefs régionaux et réussit un double-jeu subtil vis-à-vis des Allemands et du
préfet Marion ;
-
Nébuleuse de groupes
(sur l’espace sud-Aveyron, Millavois, Lévézou, Ségala) avec des ramifications, des imbrications, des complémentarités. Réseau à
trois niveaux :
-
« maquis
d’accueil et orientation » Le Monna et La Couvertoirade, Tendigues et
Ramondenc : « façades et couvertures » pour l’accueil de réfractaires
et « travail légal», bois, charbon, maçonnerie, agriculture. Puis
dispersion, si danger, dans les fermes
-
Maquis
– refuge : Clédelles, St-Beaulize, mas Raynal/Guillaumard, Tronas, Nissergues,
La Borie des Combes et La Mouline
d’Arnac (Montagnol, Tauriac, Peux-
Couffouleux, Brusque, Mélagues).
-
Maquis-action :
La Prade, Pinet (Sucaillou et Poulguières) groupes francs du début
Mais, la
mobilité et le nomadisme, s’imposent le plus souvent. Les déplacements sont
fréquents, fatigants et dangereux. Juxtaposition des réfractaires isolés, et de
petits groupes prêts aux combats, attendant les armes. Aux Aveyronnais,
s’ajoutent de nombreux apports de départements voisins (Hérault, Aude, Tarn,
P.O, Cantal), ou régions plus lointaines (Isère, Var, R. parisienne, Bretagne,
Alsace…)
-
C
ombats contre les
« ennemis »
et escalade de la violence. Dès, fév 44 FFI, plans bleu, puis vert, tortue, violet et noir.
-
Travail
organisationnel de Freychet (A.S) et Michaut de Camarès (COPA), Bosc et Calmes,
les chefs de secteurs (Thomassy ou Gasc), Premières armes au compte goutte à
partir de janvier 44.
-
Actions
du combat clandestin : Sabotages des lignes électriques (fév. mars 44)
avec explosifs volés à la Jourdanie, Exécutions sommaires de miliciens (Cabanel
en janv. et Laurens en mars à St-Aff, Bonnet à la Prade de St-Georges de L.).
-
En
même temps, Répression par l’intervention armée des GMR/ Brigade Marty/
gestapo et milice : l’arrestation de Michaut, à Béziers fin juillet
43 ; le 4 janv. 44, première descente de la gestapo à Roquefort puis à St-Beauzille en mars. Attaque sur Poulguières 21 mars, arrestations sur
St-Affrique (21-28 mars), descente de la gestapo au Mas Raynal en avril, arrestation de Freychet
et Clé (3 mai à Rodez), attaque du Bouscalous le 6 mai, 2e descente de
la gestapo à Roquefort 18 mai ; plusieurs arrestations dont le chef départemental Birebent à St-Victor - et –
Melvieu, le 15 juin. Nouveau chef FFI, Richard (Bonnafous)
-
Regroupement,
bien que difficile, autour du groupe de la ferme de la Vayssière (N. de St-Affrique)
Chef
militaire désigné « Dumont » H. Barthès ; chef zone AS sud-Aveyron, Leroy (De Villiers)
-
Responsabilités :
protection de l’Autorité régionale (à Rébourguil, Fondamente) :
Cambas, De Riancourt, de Chambrun. En contact avec Richard AS et Stanfield à
Sévérac. Présence pour le SAP -
Service Action R3 : radio Palhoriès, L. Jeanne et H. Calmels (Guillaumet, Prat-Rial, La Boriette)
-
Terrains
de parachutages : 5 (Perroquet, Meyer, Romain, Nickel et Quartier- Cadapau
près de Saint-Vincent)
-
Structurer un organisme de combat
: à Montlaur (Grange haute et Basse), Andabre et Prugnes, Gissac, Sylvanès (Sarros, St-Michel) ;transmissions,
armes (parachutées et prélevées dans les gendarmeries) uniformes avec tissus
Rachou, hôpital de campagne ; accueillir les déserteurs russes surtout
juillet 44 (confiés au Groupe Galiot).
-
Créer l’insécurité
pour l’occupant (guérilla, harcèlement) : Creissels,
Montpaon, Tournemire
-
Incarner le nouveau pouvoir
: vis-à-vis du colonel Muntzer, complaisant car
autrichien antinazi, à St-Affrique, Châtiments de 7 traitres (mi-juillet
44), punition du marché noir (Camarès et St-Affrique)
-
Assurer toutes missions militaires
préparatoires et en
lien avec les autres maquis, ici Sévérac (protection du DMR Cambas le 12 juillet allant vers Laissac et Lozère)
-
Combats
prévus
par divers plans. Ainsi le 13 juillet
Laissac, le 12 août Moulin – Neuf, le 22 août La Pezade et le 23 St-Pierre- la - Fage)
-
La poursuite
vers Montpellier (concentration aux Rives et Clapier, coopération avec maquis
de l’Hérault) et intégration à la Brigade légère du Languedoc (Bourgogne et
l’Alsace). Première Armée avec les 80e et 81e RI.
Victimes
-
Ceux
du Bouscalous 6 mai 44 (1 blessé
mortellement, 5 déportés)
-
Fusillés
de Ste-Radegonde : Thévenon et Delaire (arrêtés le 15 juin), Devillers et Ethève
(arrêtés le 9 août à L a Primaube)
-
Les
morts de Laissac et de la Pezade : sur les 23, 3 (18-19 ans), 13 (20-22 ans),
3 (23-24), 4(24-32 ans). 10 Aveyronnais (3 saint-affricains, 2 millavois, 2
belmontais, 2 Camarèsiens,) 12 extérieurs (Hérault, Aude, Tarn, Cantal, Vosges,
Haut-Rhin, Finistère, Var, Oise) et 1 déserteur russe. De + 2 juifs.
-
Déportés,
Michaut, Freychet, Baron, Jest
-
Ceux tués en Alsace (de Genouillac « Galiot »)
-
Gaven
mort accidentellement sur la route
|
|
|
LES MORTS
MERLE Alfred « Roeder », mort sous la
torture à la Gestapo de Rodez
OLIVIER Paul Albert «
Paul Clé » mort par suicide à la Gestapo
MICHAUT Jean « Planchon »
GALTIER François
FERRAND Jean « Jeannot » Morts
en déportation
FRANGI Ricardo
ORTEGA Barnabé
GRUNDMAN Maurice
THEVENON Albert « Michel », adjudant
DELAIRE Marcel
Fusillés à Ste- Radegonde
DEVILLERS Edmond
ETHEVE Maurice
MAURON François
blessé mortellement au Bouscalous
CABANEL Firmin
tué à Laissac
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
PAYS Edouard “l’Ange”, lieutenant
CUADRA Joseph
BOULOC Robert
CHABAUD Charles
RIVEMALE Paul Tués en combat à La Pezade
ROUSSOULY Alphonse
CHAMAYOU Alphonse
MOULS Georges
ROGER Jean
CANAC Pierre
AUBELEAU Louis
LECLERC Henry
RESSEGUIER Augustin
FLICH Georges
ALEMO Rakin Alexis
BAUMGARTNER Marcel
GIRBAL Marcel
SANTOUL Charles
Tués en combat à La Pezade
BRIAND Marcel
VALETTE Lucien
DREBY Roland
FAJOU Jacques
HERNOUX Georges
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
DE GENOUILLAC Alain « Galiot »
LAFON Tués en Alsace
CHIVOT Jacques
ZAMO
Tué accidentellement
GAVEN
Accidenté
sur la route
LES BLESSES
RABADAN François
CARLES André
Au Maquis
SENAUX Léon
GRANIER Aimé
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
DOUMERC Georges
VIALETTE Roger En
Alsace
BERQUIER Yvon
GIBERT Marius
|
|
|
Libération de Saint-Affrique, 20 août 1944
Le 20 août
1944, le maquis Paul-Clé libérait Saint-Affrique de l’occupation allemande.
(…)La libération de Saint-Affrique n’est qu’un maillon de cette longue chaine
de servitude qu’il fallait rompre à tout prix, morceau par morceau, pour que
notre pays, sous le joug de l’envahisseur depuis plus de 4 ans, retrouve enfin
sa liberté. Sans vouloir faire œuvre d’historien, faisant appel à mes seuls
souvenirs, je voudrais, au nom des anciens de Paul Clé, qui en furent les
acteurs, rappeler dans quel contexte eut lieu cette libération. Après le
débarquement du 6 juin en Normandie et l’avance des troupes alliées dans l’Ouest
de la France, celui du 15 août en Provence ouvrait un nouveau front pour
l’armée allemande. Les troupes stationnées dans le Centre et le Sud de la
France essayaient de rejoindre l’armée qui se battait contre les Alliés.
Il était
logique que le commandement allié demande à la Résistance française et à ses
maquisards d’empêcher cette jonction. Le maquis Paul Clé était concerné au
premier chef par cette directive, l’objectif étant de harceler l’ennemi et de
détruire, au maximum son potentiel militaire. La neutralisation de la garnison
allemande de Saint-Affrique, qui amènerait en même temps la libération de la
ville, entrait dans le plan d’action de notre maquis. Cette garnison était
forte de 600 hommes, dont 150 combattants armés, les autres étant des blessés
ou convalescents. Notre groupe, qui comptait 220 hommes à ce moment, était
cantonné à Saint-Michel de Gissac, le PC se trouvant à Sylvanès.
Le 20 août
1944, en fin d’après-midi, la majeure partie de nos effectifs s’ébranlait en
direction de Saint-Affrique, le convoi, composé de plusieurs camions et autres
véhicules, étant précédé par la BS en voiture Citroën traction avant et d’une
estafette motocycliste avec side-car. Je faisais partie de cette Brigade
spéciale, composée de 8 membres dont le regretté Pierre Boyer (…) avec pour
chef Jean Bessière. Sorte de commando chargé de missions particulièrement difficiles,
nous faisions fonction d’éclaireur dans cette opération de grande ampleur. Nous
devions attendre le « gros » de la troupe à Lapeyre. Celle-ci
n’arrivant pas, après une demi-heure
d’attente, nous nous postions en surveillance un peu plus loin. Impatients
d’en découdre, nous n’hésitions pas à rentrer dans Saint-Affrique, flanqués de
notre motard qui faisait ronfler son moteur au maximum, traversions la place de
la Liberté et allions jusqu’au champ de foire, où, dérisions, des soldats
allemands tiraient à la carabine dans une baraque foraine. Ebahis par notre
présence, ils fuyaient à toutes jambes vers leur cantonnement. La moitié des
nôtres descendaient de voiture et nous revenions vers la place de la Liberté, à
pied, de chaque côté de notre véhicule, nos armes à la main, dont un
fusil-mitrailleur, en incitant la population à rentrer chez elle au plus vite.
Et pendant un
temps qui nous a paru très long, en attendant l’arrivée de nos camarades, nous
avons parcouru les principales artères de la ville, notre motard faisant
pétarader son échappement, passait et repassait pour donner l’impression d’un
nombre important de maquisards. Lorsque nos camions arrivèrent avec le lt
Dumont, chef du maquis, qui installait son PC à l’hôtel du commerce, nous
avions déjà fiat de nombreux prisonniers, dont le nombre grandissant commençait
à nous inquiéter. Le « ramassage » des soldats allemands se
poursuivait pendant plusieurs heures, leur nombre nécessitant la réquisition
d’un autocar pour les amener vers leur lieu de détention. Dans un échange
téléphonique, le lt Dumont signifiait au colonel Muntzer, cdt de la garnison
allemande, que toute résistance de sa part « tait inutile et qu’il «était
« prisonnier sur parole » ce que celui-ci admettait. Cette
« disposition » nous permettait de prendre possession sans combat des
locaux occupés. Notre camarade Sardon, avec un groupe de 2 dizaines, avait
désarmé la garde et récupéré les armes stockées au collège Saint Gabriel. Jean
Normand de son côté, avec deux autres dizaines, avait « nettoyé » le
château de Recoules où logeait habituellement l’état-major allemand, et
récupéré tous ses occupants.
Le lendemain
matin, la BS allait chercher le colonel
Muntzer qui signait l’acte officiel de capitulation. Le lt Dumont nommait le
médecin-capitaine Cambon, médecin-chef de la Place de Saint-Affrique. La ville
était confiée à Jean Calmes et à ses équipes, après la mise en place d’un
comité local de libération présidé par le docteur Caussat. Une page glorieuse
de l’histoire de Saint-Affrique venait de s’écrire avec ces journées mémorables
d’août 1944. Si cette ville a pu être libérée sans combat, sans coup de feu,
sans exaction, sans destruction, contrairement à la plupart des villes de
France, c’est grâce aux contacts, par personnes interposées, avec le colonel
Muntzer, autrichien d’origine, que nous savions non favorable au régime nazi,
que nous avions persuadé de se rendre pour éviter des combats meurtriers et les
victimes qu’il y aurait eu de part et d’autres.
Il est vrai que la présence de plusieurs centaines de blessés ou convalescents
intransportables à Saint-Gabriel et autres lieux, rendait sa résistance
difficile. D’autre part, l’intoxication pernicieuse que nous entretenions,
depuis un certain temps, sur l’état de nos forces qu’il croyait bien supérieure
en nombre et en armement, avait du aussi influer sur sa décision.
Mais la
mission du maquis Paul Clé devait se poursuivre et le 22 août, nous partions
vers Les Rives où se trouvait le PC Sud-Aveyron et où tous les maquis devaient
se regrouper pour marcher sur Montpellier et le libérer. C’est au soir de cette
journée que notre section de sabotage, de retour de mission, se heurtait aux
forces allemandes rassemblées à La Pezade, qui cherchaient à rejoindre leurs
troupes qui combattaient contre les Alliés dans la vallée du Rhône. On sait
quel fût le tragique destin de nos camarades, dont les échos sonores étaient
parvenus jusqu‘aux Rives. Notre Brigade spéciale, envoyée en reconnaissance
quelques heures plus tard, tombait à son tour dans l’embuscade sur les lieux où
le combat s’était déroulé, découvrant avec stupeur nos véhicules éventrés ne
travers de la route et nos camarades morts sur les bords de la route. Plus
chanceux qu’eux, nous pouvions nous dégager sans perte malgré le feu nourri des
Allemands et revenir au PC des Rives rapporter la triste nouvelle.
Saint-Affrique,
après 2 jours de liesse, allait connaître des jours douloureux. (…)
(Discours de J. Bacci, le 22-08-2004,
lors de l’inauguration de la plaque commémorative sur la façade de l’hôtel du
commerce)
|
|
|
|
|